« Ce ne sont pas les événements de leur vie qui affectent les humains mais l’idée qu’ils s’en font »
Epictète.
C’est le principe premier de la thérapie cognitive : ce n’est pas le monde extérieur qui est la cause de nos émotions et de notre humeur, mais uniquement la représentation que l’on en a et les pensées qui nous traversent l’esprit.
Le principal enseignement de la psychologie est que la perception et l’expérience perceptive sont des processus actifs qui impliquent des données objectives (réalistes) et subjectives (plus personnelles, liées à la culture, éducation…) qui agissent comme un premier filtre.
Les pensées d’une personne représentent ainsi la synthèse :
- des stimuli externes,
- des stimuli internes (système de représentations sensorielles, conceptuelles et verbales) qui agissent comme un second filtre.
En psychologie cognitive on considère que deux types de processus coopèrent pour répondre aux exigences de notre espèce : des processus conscients et des processus inconscients.
Daniel Kahneman, docteur en psychologie et lauréat du prix Nobel d’économie en 2002, a décrit la différence entre ce que nous faisons de manière automatique et ce que nous contrôlons : « Les deux vitesses de la pensée » :
- Les processus de pensées automatiques sont rapides, efficaces et hors du domaine de la pensée consciente, dépourvus de délibération ou de planification. Ils ne requièrent qu’un simple stimulus (réflexes). Par exemple : le lecture d'un mot, éviter un bus, effectuer un jugement sur une personne, émettre un comportement routinier (se servir un verre en rentrant le soir).
- Les processus contrôlés tels que la décision, la réflexion consciente sont nettement plus lents et demandent un effort.
L’inconscient des cognitivistes
L’inconscient des cognitivistes est essentiellement un système de croyances, de schémas et de pensées. Il est rapide et efficace (se fait de manière automatisée) et par conséquent prime souvent sur le réseau conscient. On se rend rarement compte qu’il a déjà fait son travail avant qu’on ait pris une décision, ce système va déjà préfiltrer les informations.L'inconscient rassemble les différents systèmes psychologiques :
- cognitif (représentations mentales plus ou moins abstraites),
- motivationnel,
- émotionnel (affectivité, infos pulsionnelles et émotionnelles),
Les schémas
Les thérapies cognitives sont fondées sur la notion de schémas cognitifs.Il s’agit de structures abstraites de représentations des connaissances et des expériences antérieures inscrites en mémoire à long terme.
Ces structures fonctionnelles stables qui gèrent toutes les étapes du traitement de l’information :
- filtrage et sélection des informations nouvelles,
- organisation des informations stockées en MLT,
- récupération des informations en MLT,
- gestion de l’action.
Chaque schéma est un ensemble de représentations inconscientes sensorielles, motrices, conceptuelles et verbales qui forment une structure cognitive stable.
Ils contiennent les connaissances de l’expérience passée de l’individu.
« Ils permettent de nommer, classifier, interpréter, évaluer et donner une signification aux objets et événements »
Beck et Emery, 1985.
En plus de structurer l’organisation de l’information et la compréhension des événements, ils influencent aussi le rappel de l’information contenue dans la mémoire.
« Chaque individu développe au cours de sa vie des schémas représentant l’information concernant les conséquences probables d’un événement et sur la façon d’y faire face »
« Le concept de schéma propose une façon de comprendre et d’intégrer l’ensemble des comportements, des cognitions et des réactions physiologiques et émotionnelles formant les éléments fondamentaux de la psychopathologie »
« Le concept de schéma propose une façon de comprendre et d’intégrer l’ensemble des comportements, des cognitions et des réactions physiologiques et émotionnelles formant les éléments fondamentaux de la psychopathologie »
Bouchard et Freeston, 1995.
Les schémas génèrent à la fois les émotions, les cognitions et les comportements. Ils peuvent prendre la forme d’un sentiment exagéré de vulnérabilité ou d’une représentation exagérée de la menace reliée à un stimulus.
Modèle du traitement de l’information de Beck
L’organisme traite l’information en fonction de schémas cognitifs acquis. Les schémas, à travers des processus cognitifs (filtres), sélectionnent l’information issue de l’environnement et la transforment en événements cognitifs (monologues intérieurs, images mentales). Ces événements cognitifs vont participer au déclenchement et au maintien des comportements.Dans la théorie de Beck, on a les schémas cognitifs, les processus cognitifs (distorsions cognitives) et en dernier lieu les événements cognitifs (pensées dysfonctionnelles).
Schémas → Processus cognitifs → Événements cognitifs
Ces schémas se traduisent par une attention sélective vis-à-vis des événements qui les confirment : ils représentent donc une prédiction qui se réalise et se traduisent par une vulnérabilité cognitive individuelle. Les schémas fonctionnent comme des filtres de lunette ne laissant passer qu'une partie de la réalité conforme au schéma.
Schéma d’incompétence : Lorsque je parle en public, j’ai l’impression que tout le monde trouve que je ne suis pas à la intéresant. Si deux personnes parlent entre elles, sourient, cette information sera plus importante que le reste de l’information, je ne verrais pas les personnes qui montrent de l’intérêt.
Pour les personnes en dépression : quand le schéma de dépression est activé, le passé est retraité en fonction de ce schéma, l’avenir est projeté en fonction de ce schéma et le présent est filtré par ce schéma, c'est ainsi que l'on arrive à la triade cognitive de la dépression.
D'après Beck, chaque trouble psychopathologique résulte d’interprétations inadaptées concernant soi-même, l’environnement actuel et le futur.
La façon dont une personne s'écoute ou se donne des instructions, se félicite ou se critique, interprète les événements et fait des prévisions, explique non seulement son comportement normal, mais éclaircit aussi le fonctionnement interne dans les troubles émotionnels.
A.T. Beck
Les schémas pathologiques sont des structures mentales sélectionnées, parce qu'elles sont fonctionnelles pour un environnement à un moment donné, mais elles deviennent inadaptées à un autre environnement à un autre moment. Les schémas influencent les stratégies individuelles d’adaptation. Les schémas cognitifs sont qualifiés de pathologiques dès lors qu'ils ne permettent plus à la personne de s'adapter à son environnement et de satisfaire ses besoins, ils sont alors dérégulateurs.
La thérapie cognitive
Apprendre à s'auto-observer
À force de ne pas comprendre ce qui se passe, de valider tout le temps ce qui va dans le sens du schéma dysfonctionnel, le problème va s'accroitre. Cette activation intense des schémas les rend de plus en plus rigides, imperméables, sur-incluants et concrets.Le cœur du travail en thérapie cognitive consiste donc à rendre le patient conscient des distorsions de sa pensée et lui réapprendre à prêter attention à toutes les informations qui vont à l’encontre du schéma afin de l'assouplir.
Plus un schéma est acquis tôt, plus il est difficile à assouplir. Pour les personnes qui ont des scénarios de vie, on est en général dans des schémas précocement acquis.
Quand le schéma s’active, il traite l’information de manière inconsciente et tant qu’il est inconscient, il traite l’information de manière très rigide. L’inconscient est tellement efficace que généralement on ne se rend pas compte qu'un filtre nous a amené à réagir d'une certaine manière.
L'interaction des pensées automatiques avec les schémas
L'objectif de la thérapie cognitive sera d'aider le patient à identifier les pensées automatiques qui sont induites par le schéma. Elles en sont en effet à la fois la conséquence et le versant accessible à la conscience. Autrement dit, la manière dont une personne appréhende une situation est rendue lisible par le biais de ses cognitions (pensées et images). Ces cognitions renvoient au filtre dont la personne dispose pour percevoir le monde au travers duquel on repère sa vision d’elle-même, du monde, du passé, du futur. Une fois les pensées automatiques identifiées, on pourra également travailler sur les biais cognitifs associés et aider le patient à mettre de la distance avec ces manifestations du schéma.Les schémas cognitifs et les pensées automatiques s'influencent mutuellement : les schémas produisent des pensées automatiques et de même, en retour, les pensées automatiques les renforcent ou les modifient.
La correction des troubles de la pensée, des pensées dysfonctionnelles,
entraine une amélioration clinique chez les patients.
entraine une amélioration clinique chez les patients.
« Les problèmes psychologiques peuvent donc être maitrisés en affinant les discriminations, en corrigeant les erreurs d’interprétation et en apprenant les attitudes plus adaptées. »
« Comme l’introspection, la finesse, la mise à l’épreuve de la réalité sont des processus cognitifs, cette approche des névroses a été dénommée ’thérapie cognitive’ »
« Comme l’introspection, la finesse, la mise à l’épreuve de la réalité sont des processus cognitifs, cette approche des névroses a été dénommée ’thérapie cognitive’ »
A.T. Beck
La clé de voute de la thérapie cognitive est la restructuration cognitive.