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L’entretien motivationnel

Miller & Rollnick proposent la définition suivante de l'entretien motivationnel :
Méthode de communication, directive et centrée sur la personne à aider, utilisée pour augmenter la motivation intrinsèque au changement, par l’exploration et la résolution de l’ambivalence.
L’entretien motivationnel est un style de communication collaboratif, orienté vers un but, et qui accorde un intérêt particulier au langage du changement.
Il se donne pour but de renforcer la motivation et l’engagement de la personne pour atteindre un but spécifique en explorant les raisons propres de la personne, ceci dans un climat d’acceptation et de compassion.
Un bon entretien motivationnel permet d'améliorer l'alliance thérapeutique
et l'observance des traitements chez le patient.
Pour pouvoir faire de l’entretien motivationnel, il faut savoir reconnaître le stade du patient et alors appliquer les stratégies motivationnelles adaptées à ce stade.

Cela a été développé à la base pour les addictions mais finalement on s’est rendu compte que ça peut fonctionner pour toutes les pathologies.

Ces techniques permettent de prendre en compte l’ambivalence de chacun. Certaines personnes ne sont pas forcément en demande de changement mais manifestent un comportement problématique. On a les cas extrêmes d’actes délictueux, médico-légaux. On a des personnes qui ont des problèmes de gestion des émotions difficiles. Dans des suivis plus classiques, on pourra voir des personnes très attachées aux bénéfices secondaires de son comportement problème. Souvent à court terme cela la soulage (renforcement). Il faudra arriver à expliquer que ces comportements qui la soulagent lui coûtent également quelque chose. L'utilisation d'une «balance motivationnelle» est souvent pertinent pour formaliser les différents composants de l'ambivalence.

Note : Dans le cadre de l’abus de substance, on est clairement dans le circuit de la récompense.

Il faut éviter de tomber dans l’écueil de vouloir convaincre la personne, cela amène la personne à se défendre et à se cramponner à sa position. L’objectif n’est pas non plus d’aider la personne à accepter son comportement actuel et à rester comme elle est.

Une fois l'ambivalence explorée, on va amener la personne à travailler sur son sentiment d’efficacité personnelle.

Les stades de changement

Prochaska & DiClemente proposent le modèle trans-théorique suivant.

1er stade : la précontemplation (non implication)

La personne ne remarque pas qu’elle a un problème donc n’a pas l’idée de changer. Elle ne va donc pas prendre d’elle-même rendez vous, il y a eu forcément une pression extérieure pour prendre RDV. Le changement est possible à ce stade, mais est rare et n’est pas durable dans le temps parce que dès que la pression de l’entourage diminue, le patient rebascule dans son état originel.
Je fume, mais de toute façon je ne crois pas au cancer.
On appelle egalement ce stade « pré-intention ».

2ème stade : la contemplation (adhésion à l'information)

Le patient reconnaît qu’il a un problème, pèse le pour et le contre du changement, mais n’est pas encore prêt à changer.
je sais que je bois trop, mais je ne vais pas changer mon seul plaisir dans la vie.
On appelle egalement ce stade « intention ».

3ème stade : la préparation (décision d'un changement)

Le patient se prépare à changer, il est moins ambivalent. Il prend la décision effective de changer.
J'ai décidé de me soigner.

4ème stade : l’action (initiation du changement)

Le changement devient réel et on peut l’observer. La personne commence à appliquer les techniques pour changer.
C’est mauvais pour moi, j’ai décidé de changer, j’ai arrêté de fumer depuis 2 jours.

5ème stade : la maintenance (maintien du changement)

Quand le patient a changé de comportement, il doit réussir à maintenir son comportement, donc doit résister aux rechutes. C’est le stade de la consolidation de l’abstinence (pour l’addiction) ou du bon comportement (pour les autres pathologies).

La rechute

Stade qui peut survenir à n’importe quel moment mais ne veut pas dire qu’on rechute tout en bas. La rechute signifie qu’on revient à un comportement d’un niveau précédent. Ce n’est pas par manque de volonté que le patient rechute, mais parce qu’il est tombé dans une « situation piège » ou quand le patient n’était pas assez préparé. Le patient qui rechute reprend au stade de la contemplation.

Le dégagement

On parle de « dégagement » lorsque le comportement sain devient une habitude.

La progression n’est pas forcément linéaire : ça peut monter, stagner, descendre, remonter, restagner, etc. On peut donc revenir à une décision, une action, un maintien et la finalité est donc la conclusion.
 
La rechute est plutôt la règle que l’exception.
Cette étape nous rapproche du changement global.

On peut représenter ces stades de la manière suivante :
Stades de changement
Source : HAS.

Stratégies motivationnelles adaptées aux stades

Ces différents stades se succèdent donc avec des progrès et/ou avec des rechutes. Tout n’est pas complètement linéaire. Ce n’est pas forcément évident pour le thérapeute qui peut avoir une réaction émotionnelle forte face à certains comportements problèmes.

L'ambivalence est présente chez tout le monde à différents degrés, la question pertinente à se poser pour le thérapeute n'est donc pas «Pourquoi ce patient résiste ?», mais «Qu'est-ce qui le motiverait à changer ?»

On peut donc utiliser des stratégies motivationnelles pour chaque stade.

Précontemplation :

L’idée est de faire percevoir les risques et les problèmes, faire apparaître un doute. Il faut donc le questionner dans une attitude ouverte d’enquêteur, de scientifique ⇒ emploi des différentes techniques d’entretien : questionnement socratique, reflets, etc.

A faire :

  • Noter ce que le patient sait du comportement.
  • Il faut également se renseigner (spécialiste, médecin, documents).
  • Il faut avoir des informations générales qui permettent en toute connaissance de cause de choisir si on maintient son addiction ou si on décide qu’il vaudrait mieux arrêter et explorer de quelle manière s’y prendre ⇒ amener les bonnes infos sur un plateau au patient.

A ne pas faire :

Il ne faut pas essayer de le convaincre d’arrêter (sa motivation doit être intrinsèque). Il ne faut non plus essayer de convaincre les autres qu’ils ont raison ou qu’on a le droit de continuer sa dépendance. Le rapport doit rester collaboratif et l'attitude du thérapeute empathique, chaleureuse et authentique.

Contemplation :

C’est faire l’exploration de l’ambivalence, de la dissonance cognitive pouvant exister, lister toutes les possibilités l’éventail des raisons de positives à négatives à changer et à ne pas changer (renforçateurs, raisons de maintien). La motivation peut découler de la perception de l'écart entre la situation actuelle (le comportement du patient) et son idéal (ses valeurs). On peut donc chercher à renforcer la divergence perçue entre ces 2 états, par exemple avec une décentration de temps :
- Dans le passé :
Vous souvenez-vous de l’époque où cela allait bien pour vous ? Qu’est-ce qui a changé ?, Comment cela se passait dans votre vie avant de commencer à fumer ? Quel genre de personne étiez-vous alors ?
- Dans le futur :
  • En quoi aimeriez-vous que votre vie soit différente de ce qu’elle est actuellement ?
  • Comment aimeriez-vous que soit votre vie dans 5 ans ?,
  • Si vous pouviez faire un changement immédiatement, d'un coup de baguette magique, qu’est-ce que vous souhaiteriez changer ?,
  • Qui pourrait vous aider de façon efficace pour réussir à faire ce changement ?,
  • Si vous décidiez de changer, quels seraient les moyens efficaces pour vous ?,
  • Sans s’occuper pour l’instant du comment, que souhaiteriez-vous qu’il arrive ?

Décision :

On va proposer un choix de stratégies de changement, lever donc les derniers obstacles. On propose tout un choix de stratégies thérapeutiques, de choisir ceux qui lui parlent le plus et donc de lever ces derniers obstacles. Il faut que le patient se sente capable de changer. Il faut renforcer le sentiment d’état de capacité personnelle car tout changement implique une certaine souffrance.

Action :

Il faut mettre en place un accompagnement.
Un sevrage, il faut donc l’accompagner dans le sevrage, faire le suivi, voir le progrès et à chaque fois que c’est possible il faut le renforcer.
Le renforcement à ce stade-là, plus qu’aux autres, est essentiel. Même si c’est un tout petit changement, il faut renforcer le patient. On peut être amené à avoir des contacts par téléphone ou e-mail pour renforcer/suivre le patient plus souvent qu’une fois par semaine. Un renforcement par les amis et la famille est également très important.

Comme le patient va pouvoir développer d’autres activités et développer des aspects positifs de ces activités. On va l’aider à se focaliser sur ce positif. Comme le patient va apprendre à s’auto-renforcer à chaque fois qu’il ne cède pas à son impulsion de réaliser le comportement problème.

Maintien :

Les stratégies de prévention de la rechute sont primordiales. Il faut anticiper toutes les situations pièges dans lesquelles le patient pourrait éventuellement tomber et l’armer à y faire face. On peut réexplorer une dernière fois l’ambivalence (comme dans la contemplation) pour vérifier qu’il est toujours dans l’idée que sa stratégie est la bonne.

Rechute :

Si le patient allait bien mais qu’il rechute, il faut dédramatiser avec le patient, expliquer que ce n’est pas « foutu », il faut le pousser à se remettre très rapidement à l’action, grâce à cette dédramatisation. Il faut distinguer chute et rechute, éviter que le patient croie qu’il recommence à zéro, il faut pouvoir écouter ce qu’il se dit à ce moment-là. Cela permet parfois de mettre au clair des vulnérabilités qu’on n’avait pas identifiées.

Il est utile de déculpabiliser le patient et l'aider à faire des attributions externes plutôt que d’expliquer son échec par des facteurs internes et stables : remplacer le Je n’y arriverai jamais ! par : Ce n’était pas le bon moment, Je n’étais pas complètement prêt, Je n’ai pas persévéré assez..

Ce qui aide également c'est la régulation émotionnelle, c’est-à-dire de l'aider à accueillir ce qu’il ressent, ce qui n’est pas toujours évident. Essayer de comprendre, quelles sont les images, les idées, les ressentis corporels, quelle est l’émotion, son intensité, cela permet au patient de prendre de la distance. En utilisant l’aspect « ACT » (Thérapie d'acceptation et d'engagement), on va accompagner le patient pour qu’il apprivoise cette émotion et qu’il lui accorde une place.

Des événements, informations et formation autour de l'entretien motivationnel sont disponibles sur le site de L’Association Francophone de Diffusion de l’Entretien Motivationnel (AFDEM).​

Volonté et motivation

Un cours sur Volonté et Motivation

Vidéo du Dr Yann HODE, via la très bonne chaîne "La Psychiatrie au soleil ☀️". Ce cours aborde la différence entre les deux concepts et présente le modèle "IBER" : Intégration des Besoins, des Efforts et des Récompenses qui permet de comprendre et de faire un travail ciblé sur les différentes composantes de la motivation.

Vue synthétique du modèle IBER (capture extraite de la vidéo) :
Modèle IBER

Testez vos connaissances !

Sources

Les informations de cette page sont une synthèse issue notamment des sources suivantes :
  • Cours de licence de Psychologie (L2) de Mme Patricia Tassi, Université de Strasbourg, année 2014-2015.
  • Cours de licence de Psychologie (L3) de Mme Fanny Reder et Aurélie Fritsch, Université de Strasbourg, année 2015-2016.
  • Livre de référence : Miller, W. R., Rollnick, S., Michaud, P., & Lécallier, D. (2013). L’entretien motivationnel aider la personne à engager le changement. Paris: InterÉditions.
Etudiant responsable de cette page et synthèse : Matthieu FERRY

Livres recommandés

  • L'alliance thérapeutique
  • L'entretien motivationnel - Aider la personne à engager le changement
  • Comment faire accepter son traitement au malade
  • L'entretien en thérapie comportementale et cognitive
  • L'entretien motivationnel avec les adolescents et les jeunes adultes
  • Pratique de l'entretien motivationnel en santé mentale

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