Apprendre les TCC

Découvrir les Thérapies Comportementales, Cognitives et Emotionnelles

Nicolas Brandt, psychologue clinicien en unité d’hospitalisation publique ouverte pour adultes

Quelle est votre profession et où exercez-vous ?

Je suis psychologue clinicien. Je travaille à temps plein dans une unité d’hospitalisation publique ouverte pour adultes. J’y pratique la psychothérapie auprès de patients hospitalisés pour des troubles psychiatriques variés et gérables en unité ouverte (donc moins lourds qu’en unité fermée) ainsi qu’auprès de patients consultant en ambulatoire et dont les pathologies, variées elles aussi, se rapprochent de celles rencontrés par des psychologues libéraux. J’anime également des groupes thérapeutiques ouverts au tout-venant au sein de l’unité et notamment un groupe d’affirmation de soi.

Quelle formation avez-vous suivie pour apprendre les TCC ?

J’exerce ce métier depuis octobre 2015, soit un an et demi au moment d’écrire ces lignes. Il s’agit là de mon premier poste après mon diplôme obtenu en juin 2015. Je pratique les TCC depuis la même époque puisqu’il s’agit de ma formation initiale. J’utilise les TCC lorsque la situation s’y prête et pratique autrement une thérapie proche de l’approche dite intégrative, c’est pourquoi j’espère pouvoir me former à d’autres types de thérapie au cours de ma carrière pour enrichir ma pratique dans ce sens.

Qu’est-ce qui vous a motivée à apprendre les TCC ?

J’ai immédiatement été séduit par le pragmatisme, le langage clair et l’accessibilité des TCC dès que j’en ai entendu parler au cours de ma licence. Lorsque j’ai appris qu’au moment où serait venu le temps pour moi de choisir un master, une formation spécifique aux TCC verrait le jour, je n’ai pas hésité. L’idée de me former à une approche « à la mode », rare et donc courue sur le marché du travail n’a bien sûr pas été pour me détourner.

Quelle formation avez-vous suivie pour apprendre les TCC ?

J’ai fait partie de la première promotion du master TCC de Strasbourg. Il s’agit d’une formation initiale universitaire en 2 ans, au tarif donc d’une formation universitaire de master, soit à peu près 500 euros par an. C’est une formation professionnalisante qui a le mérite d’être exhaustive dans le domaine puisqu’elle est très spécifique et se focalise uniquement sur les TCC. Elle propose donc un enseignement riche et complet de la discipline, et elle m’a initié à certains sujets pour lesquels j’ai développé un intérêt fort par la suite (thérapie des schémas, et troisième vague, notamment). Je la conseillerai donc à toute personne désireuse d’apprendre les TCC et de se spécialiser dans la matière pour un coût bien inférieur aux formations des instituts privés (bien sûr, il faut pouvoir suivre une formation à temps plein à la faculté). La promotion y était sympathique et le corps enseignant, composé majoritairement de professionnels, très enrichissant. Si vous voulez par contre d’une formation plus polyvalente, un autre master vous correspondra sans doute mieux.

Est-ce que la pratique des TCC est conforme à l’idée que vous en aviez avant de vous former ?

Non, assurément. Les livres et les situations travaillées en cours font état de dialogues parfaits et finement huilés, de patients purs, motivés, compliants et à l’insight puissant, avec lesquels les protocoles se déroulent sans accroc ou presque. La réalité de la rencontre avec le patient est (heureusement ?) bien différente. Elle est plus surprenante et répond rarement à l’idée qu’on s’en était fait à partir des livres. Les protocoles précis que l’on a en tête viennent souvent s’écraser contre les singularités de la personne et de la souffrance. Il nous faut alors nous adapter à chaque situation, à chaque problématique souvent bien plus complexe que les cas cliniques auxquels on se réfère dans les manuels. C’est très désarçonnant au début. 

Je crois par ailleurs que les formations, et plus spécifiquement en TCC où l’implication technique du thérapeute est importante ; nous enseignent malgré elles et à leur corps défendant un volontarisme difficilement compatible avec la réalité du terrain. On veut faire, on veut contrôler, on veut mettre en place des techniques, guérir, sauver.

Et l’on s’y casse les dents car je crois qu’il faut en réalité autant se laisser faire que faire. La thérapie s’apparente plus, telle que je la conçois aujourd’hui, à de la planche à voile où l’on suit le vent et se dirige avec lui, qu’à de la mécanique de précision où tout est contrôlé et calculé, comme on peut se l’imaginer au début. J’ai beaucoup douté d’ailleurs en débutant, et je doute encore. Pourquoi n’arrivé-je pas à mettre en pratique cette technique ? Pourquoi cet échange ne va-t-il pas où je le souhaite ? Qu’est-ce que je fais de mal pour que ma séance 6 ne ressemble en rien à ce à quoi la séance 6 est censée ressembler ? Puis petit à petit, j’ai appris à lâcher prise, à être plus posé, plus dans l’écoute et la réception de ce que l’autre me renvoie, et les techniques se présentent d’elles-mêmes quand elles sont nécessaires.

Quel est l’outil ou la technique de TCC qui vous semble la plus indispensable dans votre pratique quotidienne ?

J’ai de plus en plus tendance à penser que c’est autant la relation que les techniques qui aident le patient. Sans confiance, sans authenticité, sans humanité, sans acceptation inconditionnelle de l’autre, sans bienveillance entre les deux protagonistes, rien ne peut se faire. C’est donc naturellement que ce sont les techniques d’alliance thérapeutique qui me servent le plus. La reformulation, les reflets, l’écoute active, toutes ces petites choses qui donnent à l’autre le sentiment que vous êtes là, présent avec lui et à son écoute. On en ressent vraiment les effets.

J’ai toujours en tête également, et de façon complémentaire avec ce que j’ai dit au-dessus le concept de cette balance entre empathie, authenticité, et chaleur, d’un côté et le professionnalisme de l’autre qu’il est primordial de maintenir tout au long de la thérapie et qui nourrit et protège la relation.

Enfin, la psychoéducation me paraît très importante également. Mais pas uniquement des pathologies, mais aussi du fonctionnement des émotions, des pensées, de la conscience. Les patients sont souvent perdus avec ce qu’ils vivent et pouvoir des fois donner un petit peu de sens à leur expérience au travers de concepts simples, cela peut apporter beaucoup de réconfort. Une phrase que j’utilise beaucoup pour illustrer ça est « C’est normal. ». C’est normal d’être en détresse lorsque l’on ressent cela, c’est normal de souffrir dans ces conditions, c’est normal de penser comme cela dans ces conditions, avec cette affliction. C’est normal d’être humain et vous avez le droit.

Factuellement, comment s’organisent vos relations avec les autres professionnels de santé et vos collègues « psy » ?

Quelques regards noirs échangés au cours des réunions et un crachat au visage au détour d’un couloir lorsqu’il nous arrive de nous croiser... Non, plus sérieusement, elles s’organisent dans le calme, le professionnalisme, et parfois même, croyez-le ou non, dans la cordialité et la sympathie la plus naturelle entre gens qui s’apprécient et se respectent. Travaillant dans une unité de psychiatrie, je côtoie un nombre important de professionnels différents : infirmiers, assistantes sociales, musicothérapeutes, ergothérapeutes, et bien sûr, psychiatres et psychologues. Nous échangeons quotidiennement ainsi que plus longuement de façon hebdomadaire en réunions et synthèses, ou en privé autour des patients, des situations, mais aussi de nos difficultés parfois partagées avec une situation et cela fait du bien. Et jusqu’à présent je n’ai toujours ressenti que respect, et tolérance les uns envers les autres, vis-à-vis des spécificités et souvent des complémentarités entre les métiers et les approches.

Bien sûr, il nous arrive d’avoir des incompréhensions, des désaccords, et on ne parle pas toujours la même langue et ne voyons pas toujours les mêmes choses dans le même monde. Mais comme avec n’importe quels collègues, et rien qui vienne entraver notre rapport collaboratif au service des patients. Pas de guerres de clochers à l’horizon. On n’a pas le même maillot, mais on a la même passion !

A quoi ressemble une de vos journées type au niveau professionnel ?

J’ai la chance d’avoir un bureau à moi et j’y passe le plus clair de mon temps à voir des patients en entretien individuel, à rédiger des observations concernant ces entretiens, ou alors à lire lorsque j’en ai le temps. Je me rends quotidiennement aux relèves avec les médecins pour échanger sur les patients présents ou les admissions, et de façon hebdomadaire pendant un temps plus long pour des synthèses durant lesquelles nous revenons sur les prises en charge des patients hospitalisés. Il m’arrive parfois de diversifier ces activités avec des animations de groupe, de l’enseignement ou des interventions dans la communauté lors de la Semaine d’Information sur la Santé Mentale par exemple. Des moments de détentes autour d’un thé ou d’un café dans un espace dédié permettent aussi des fois de se ressourcer et d’échanger avec les collègues.

Par quel canal les patients/clients/usagers viennent vous consulter ?

Les patients que je rencontre sont ceux hospitalisés, souvent suite à un passage aux urgences ou à la recommandation d’un généraliste ou psychiatre libéral. Les patients extérieurs à l’unité me sont envoyés par les autres médecins psychiatres du pôle lorsqu’il y a une indication de TCC, ou délégués par mon chef de pôle.

Y a-t-il un canal d’information privilégié que vous utilisez pour rester informé des progrès en TCC ?

Spécifiquement aux TCC, non. Mais je tâche de rester informé des avancés en psychologie  et psychothérapie au travers de revues comme Cerveau et psycho, ou le Cercle psy. Je projette de m’abonner bientôt à la revue Le Journal des psychologues également. Autrement au travers de livres, d’articles, glanés de-ci, de là, au détour d’une librairie ou d’un surf sur internet…

Auriez-vous un conseil à donner à un étudiant qui démarre un cursus en TCC ?

Gardez l’esprit ouvert, cultivez votre esprit critique et votre instinct. N’arrêtez jamais de vous poser des questions. Restez curieux du monde et de vos patients à tout instant. N’oubliez pas que les vérités d’aujourd’hui seront les hérésies de demain. « Il faut suivre ceux qui cherchent et fuir ceux qui ont déjà trouvé ».

Auriez-vous un conseil à donner à un jeune diplômé en TCC ?

« Oublie que t’as aucune chance, vas-y fonce ! ».

Du reste, je n’ai que mon expérience, qui est celle d’avoir eu l’extraordinaire chance de trouver un poste à temps plein facilement. Alors que dire sur la persévérance, le doute, ou la déception de devoir prendre un travail alimentaire ou dans un domaine qui nous plait moins pour payer ses factures et continuer à rêver ? Je ne les ai pas connus et si je peux les imaginer, je ne sais pas comment les surmonter.

Je pense que ce qui m’a aidé à trouver vite, c’est que j’étais prêt à la mobilité. J’ai eu un poste loin de chez moi, et je suis parti. Être prêt à cela vous offrira nécessairement plus d’opportunités.

Quant aux débuts dans le métier, j’y suis encore, mais je pense qu’il faut partir à la rencontre de l’autre simplement, en tant qu’humain, avec qui on est, avant d’être psychologue, et avant d’être TCCiste. Ca marche mieux, ça rend disponible et ça enlève un paquet de pression des épaules.

Que pensez-vous de l'initiative de créer ce site internet ?

C’est une très bonne initiative. Le site est qualitatif en terme de contenu, plutôt ergonomique et on voit qu’il y a un travail important derrière, c’est impressionnant de la part d’étudiants et pour ça, bravo à vous. Ma seule critique irait vers le titre. « Apprendre la psychologie ». La TCC est une branche de la psychothérapie qui est une branche de la psychologie clinique qui est une branche de la psychologie. Le titre est peut être soumis à des contraintes de noms de domaines et de référencement, mais en l’état il peut être trompeur pour les visiteurs et je pense qu’il pourrait être un peu plus précis ou alors, le site pourrait élargir son contenu de sorte à mieux porter son nom.
 
Note : suite à cette remarque pertinente,
le titre du site a été modifié en «Apprendre les TCC».

Angeline Riegel - psychologue spécialisée en TCC et en neuropsychologie

Quelle est votre profession et où exercez-vous ?

Je suis psychologue spécialisée en TCC et en neuropsychologie. Je travaille dans un service d’addictologie dans une clinique hospitalière privée. Notre équipe est composée d’un infirmier, d’un médecin addictologue et d’une diététicienne. Nous proposons des consultations ambulatoires gratuites. Nous avons également la possibilité d’hospitaliser au sein de la clinique des patients pour un sevrage. Nous rencontrons des personnes souffrantes de toutes sortes de dépendances : alcool, tabac, cannabis, médicament, héroïne ou cocaïne pour la plupart, mais également troubles du comportement alimentaire ou jeux d’argent pathologique.

Quelle formation avez-vous suivie pour apprendre les TCC ?

Mon cursus professionnel a subi un petit virage puisque j’ai un master de psychologue spécialisée en neuropsychologie. J’ai eu des cours de TCC dans mon cursus, mais je ne me destinais pas à faire des entretiens « cliniques ». Lorsque j’ai obtenu mon premier poste en addictologie je me suis rendue compte que ces compétences cliniques me manquaient et j’ai choisi de me former aux TCC. Me considérant comme une scientifique, c’est l’approche en psychologie qui me paraissait répondre le plus à mes attentes. J’ai suivi une formation professionnelle en 3 ans via l’AFTCC qui m’a couté 4 500 euros et quelques week-end/jours de congés. La durée de la formation m’a paru essentielle (certaines formations se font en 1 an, mais sont plus chères), j’ai eu le temps entre chaque session de cours d’expérimenter, d’évoluer et de me poser des questions. Dès la deuxième année la formation comprenait des journées de supervision qui m’ont beaucoup aidées à apprendre à faire les bons choix thérapeutiques, à être plus à l’écoute de la demande du patient et surtout à être moins pressée de me lancer dans la thérapie sans avoir obtenu la complète adhérence du patient. J’ai également lu énormément d’ouvrages spécialisés dans cette période. Le partage avec mes compagnons de promo, tous issus du milieu « psy », et enthousiastes comme moi pour cette approche, a été très enrichissant et m’a permis de me créer un réseau de collègues TCC dans le Grand Est.

Qu’est-ce qui vous a motivée à apprendre les TCC ?

Comme je le disais c’est d’abord le côté scientifique qui m’a plu. Des protocoles structurés, des études validées et un cheminement « côte à côte » avec le patient. J’avoue que sur le marché du travail j’espérais également tirer une plus value de cette approche montante.

Est-ce que la pratique des TCC est conforme à l’idée que vous en aviez avant de vous former ?

Non, car la vraie vie et les vrais patients ne sont pas si simples ! Un protocole c’est une ligne de conduite mais j’ai toujours eu beaucoup de mal à ne pas m’en éloigner car votre patient rechute, où se fait quitter, où perd son travail et à chaque fois il faut s’adapter et rester empathique et chaleureux, on ne peut pas avancer comme des robots. Bien qu’aujourd’hui cela me paraisse évident, ça m’a perturbé au début car j’avais le sentiment « de ne pas faire juste » et que cette approche n’était au finale pas si carrée que l’idée que je m’en faisais. Mon cerveau me disait  « C’est trop difficile, je ne peux pas le faire. Pourquoi ça ne marche pas ? Ca parait si simple quand je lis le manuel. J’espère qu’il y a un thérapeute compétent pour me dire ce qu’il faut faire dans ce cas. Peut-être que je ne suis pas faite pour ce genre de travail. Je ferais mieux de diriger mes patients vers quelqu’un qui sait ce qu’il fait »… puis j’ai découvert les thérapies d’acceptation et d’engagement (ACT) et là j’ai eu le bout du puzzle qui me manquait et j’ai pu devenir la psychologue que je voulais être.

Quel est l’outil ou la technique de TCC qui vous semble la plus indispensable dans votre pratique quotidienne ?

Sans hésiter une seule seconde l’entretien motivationnel ! Dans mon domaine c’est la clef de l’accompagnement et elle m’a souvent aidé à débloquer des situations bien embrumées ! J’y raccroche le travail de l’alliance thérapeutique. En ce qui concerne l’évolution du patient l’exposition me semble la technique la plus efficace.

Factuellement, comment s’organisent vos relations avec les autres professionnels de santé et vos collègues « psy » ?

Les collègues médicaux (médecins et infirmiers) sont rassurés par cette approche et la terminologie utilisée qu’ils connaissent et comprennent. J’ai également toujours valorisé le partage d’information avec mes collègues (contrairement à d’autres psychologues, qui sous couvert du secret professionnel ne mettent aucunes notes dans les dossiers et ne disent rien en réunion d’équipe). J’aime le travail d’équipe et le partage des points de vue autour d’un patient, ça m’a toujours beaucoup fait avancer. En ce qui concerne mes collègues « psy », j’ai eu la chance de travailler avec des personnes ouvertes avec qui je partage la passion du comportement humain. Les relations ont toujours étaient très enrichissantes et les débats constructifs.

A quoi ressemble une de vos journées type au niveau professionnel ?

Des rendez-vous toute la matinée puis, fin de matinée, un temps de transmissions écrites dans les dossiers où je me note des pistes pour le prochain rendez-vous. Idem l’après-midi. Quand l’emploi du temps le permet je fais des recherches complémentaires pour certains cas plus complexes ou je me documente sur les nouveautés dans le domaine.

Y a-t-il un canal d’information privilégié que vous utilisez pour rester informé des progrès en TCC ?

Canal 2.0, je suis inscrite sur des groupes (AFTCC, ABCT) dont je vais visiter les pages internet régulièrement. Je suis également des groupes TCC et ACT via leur pages facebook qui relaient les nouveautés : articles, sortie de livre et conférences. J’achète régulièrement des ouvrages spécialisés.

Auriez-vous un conseil à donner à un étudiant qui démarre un cursus en TCC ?

Se donner les chances de pratiquer le plus tôt possible. On apprend les théories des TCC en cours et dans les livres, mais on apprend à être psychologue sur le terrain.

Auriez-vous un conseil à donner à un jeune diplômé en TCC ?

Ne pas se fermer de portes à cause d’a priori. Je me suis retrouvé à faire un entretien pour un poste en addictologie totalement par hasard sans imaginer que j’y rencontrerai ma passion.

Que pensez-vous de l'initiative de créer ce site internet ?

Que c’est courageux de mener ce projet (dont on ressent le travail derrière) en parallèle des études qui sont prenantes et stressantes. C’est un vrai acte d’altruisme au bénéfice de tous.

Manon Villard - Conseillère en Analyse Appliquée du Comportement (ABA)

Quelle est votre profession et où exercez-vous ?

Je suis psychologue clinicienne de formation (Master pro –très freudien– de Paris VII), mais j’exerce en libéral sous le titre de « Conseillère en Analyse Appliquée du Comportement (ABA» ou parfois plus directement « Superviseuse en ABA ».

J’exerce auprès d’enfants souffrant de Troubles Envahissants du Développement (TED), du Comportement (TEC), du spectre autistique (TSA) ou de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TA, TDAH).

Pourquoi ce titre ? Parce que mon métier, qui se compose de 3 activités principales : la mise en place de Projet d’Accompagnement Individualisé basés sur l’ABA, la guidance parentale et la supervision d’intervenants, est un métier à part entière.

Quelle formation avez-vous suivie pour apprendre les TCC ?

Mes 5 ans d’études de psychologie n’ont pas grand-chose à voir avec ce que je fais aujourd’hui.

C’est à Lille 3 que j’ai été formée pour ce qui est de la théorie (DU ABA en 2010), mais si je suis, bien relativement, compétente aujourd’hui, c’est surtout parce que j’ai eu la chance de travailler comme intervenante pendant 7 ans, sous la supervision de Psychologues BCBA très expérimentées – BCBA c’est la certification américaine en Analyse Appliquée du Comportement.

Comment vivez-vous les « TCC » dans votre pratique ?

Pour moi, on va pouvoir enlever un C à TCC, et même parler d’intervention comportementale. Comment je suis venue à l’intervention comportementale ? Eh bien certainement pas grâce à mes 5 années de psycho. On m’y a répété incessamment : « La thérapie comportementale, jamais ! Ils déplacent le symptôme ! »

Je ne vais pas ici dire plus de mal des psychanalystes, ni de ma formation, parce que je les respecte profondément et que je travaille encore quotidiennement avec des consœurs de formation psychanalytique. Elles peuvent - par le jeu, le dessin ou la conversation - aborder des problématiques très importantes avec les enfants que je suis : les problématiques liées à la stigmatisation liée au handicap ou à leurs troubles, les problématiques de déni des parents…
Elles le peuvent d’autant mieux qu’ils ont appris à jouer, dessiner et converser grâce à la thérapie comportementale !

Ce que je veux dire, vous l’avez compris, c’est que ces approches se complètent à merveille. Pour moi, elles n’ont pas les mêmes objectifs à l’égard du patient. L’approche ABA a pour objectif de mettre en place l’apprentissage de comportements donnant accès à l’autonomie, à la communication, à l’interaction sociale, à des activités fonctionnelles de la vie quotidienne, le tout en partant du plaisir et du désir de l’enfant. Il s’agit plus d’outils d’éducation que d’outils de « thérapie ».

Est-ce que la pratique des TCC est conforme à l’idée que vous en aviez avant de vous former ?

OUI ! Je déplace le symptôme ! Mais j’assume !

Quelques exemples : chez un petit garçon, j’ai remplacé le « symptôme » « stéréotypie avec une brindille en regard périphérique » (qui avait pour fonction l’auto-stimulation, d’après notre Analyse fonctionnelle) par un comportement de « jeu de ruban et jeu de bulles de savons » (qui ont la même fonction, après apprentissage par façonnement et pairing).

Chez un autre, nous avons remplacé le « symptôme » « cris stridents » qui (après Analyse fonctionnelle) s’est avéré avoir pour fonction la demande alimentaire, par le comportement « je veux manger ».

J’utilise cette terminologie pour plaisanter. Car en ABA et avec le public que je suis, nous n’utilisons pas le terme de « symptôme » mais celui de « comportement contextuellement inadapté ». Et nous mettons en apprentissage des comportements alternatifs.

Quel est l’outil ou la technique de TCC qui vous semble la plus indispensable dans votre pratique quotidienne ?

Le jeu ! L’apprentissage ne se fait pas sans motivation, et avec nos petits, il faut sans arrêt imaginer de nouveaux jeux. C’est plutôt fun comme boulot ! :)

Factuellement, comment s’organisent vos relations avec les autres professionnels de santé et vos collègues « psy » ?

J’ai répondu plus haut pour mes collaborations avec des psys plus psychanalystes, mais je travaille beaucoup avec des psychomotriciens, des orthophonistes. Nous nous apportons mutuellement. Il arrive que ces suivis soient terriblement compromis lorsque les troubles du comportement sont trop envahissants : nous transmettons alors à nos collègues les outils utilisés à la maison pour réduire ces troubles, encourager les comportements alternatifs, renforcer les efforts, et cette généralisation est tout à fait bénéfique pour l’enfant.

Par quel canal les patients/clients/usagers viennent vous consulter ?

Le bouche à oreille. Les professionnels libéraux compétents dans ce domaine sont encore trop rares. Les listes d’attentes sont longues. Les institutions ne sont pas encore bien formées à notre approche malgré les recommandations de la HAS. Elles ne sont en réalité pas toujours adaptées à la mise en place de ce genre d’approche et lorsqu’elles le sont, les places manquent !

Un accompagnement cohérent sur les différents environnements de l’enfant : domicile, école, centre de loisirs, est souvent beaucoup plus adapté (et moins cher qu’une place en institution). Mais le système de santé étant ce qu’il est, ce genre de suivi est très mal remboursé.

Y a-t-il un canal d’information privilégié que vous utilisez pour rester informé des progrès en TCC ?

J’avoue que je m’informe essentiellement sur les progrès en ABA, par des formations, des lectures et par l’échange avec d’autres praticiens.

Auriez-vous un conseil à donner à un étudiant qui démarre un cursus en TCC ?

Faites des stages variés pour trouver ce qui vous intéresse le plus.

Auriez-vous un conseil à donner à un jeune diplômé en TCC ?

Faites en sorte d’être toujours supervisés !

Que pensez-vous de l'initiativede créer ce site internet ?

En plus d’être une riche plateforme d’information, le site est une plateforme d’échange, et c’est formidable !

Echanger sur nos pratiques, nos savoirs, nos questions, nos besoins est à mon avis le meilleur moyen de faire notre métier le plus correctement possible.
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